À l’occasion de la parution de Métamorphose(s), Zhao Lihong, l’un des poètes contemporains les plus influents de Chine, nous livre sa vision de la poésie, de la mémoire et des grandes questions existentielles qui traversent son œuvre. Une plongée dans l’univers d’un auteur où l’intime et l’universel s’entrelacent.
Métamorphose(s), un titre intrigant et riche en sens, semble évoquer un mouvement perpétuel. Pourquoi ce choix ?
Zhao Lihong : Métamorphose(s), c’est l’idée que le changement est au cœur de toute existence. Le monde change autour de nous, mais ce sont nos perceptions, nos pensées et nos émotions qui redéfinissent sans cesse ces transformations. À travers mes poèmes, j’ai voulu capter ces instants fragiles où l’immuable et l’éphémère se rejoignent. Ce titre reflète aussi ma propre quête : rester fidèle à mes valeurs tout en acceptant d’être transformée par la vie.
La mémoire est omniprésente dans votre œuvre. Quel rôle joue-t-elle dans votre processus de création ?
Zhao Lihong : La mémoire est un pont entre le passé et le présent. Elle contient tout : les moments marquants, les émotions diffuses, les détails oubliés qui ressurgissent soudainement. Quand j’écris, je m’inspire de ces fragments de souvenirs, qui se réinventent sous l’effet du temps. Mais la mémoire est aussi transformation : ce que l’on croit figé évolue dans l’acte d’écrire.
Votre recueil explore également des thèmes comme le silence et l’introspection. Que représente le silence pour vous en tant que poète ?
Zhao Lihong : Le silence, c’est une prise de position dans un monde saturé de bruit. Il exprime la retenue, l’intégrité, mais aussi une profondeur intérieure. Beaucoup de mes poèmes naissent de ce silence, d’une écoute attentive à ce qui n’est pas dit. En Chine, on dit souvent que « le silence est d’or » : j’y vois une invitation à réfléchir, à trouver sa propre voix au milieu du tumulte.
Certains poèmes, comme Marionnette, recourent à des métaphores fortes. Pourquoi ce choix ?
Zhao Lihong : Les marionnettes m’ont toujours fascinée, notamment celles de ma région natale, le Fujian. Elles symbolisent à la fois la beauté et la manipulation. Dans la vie, combien de personnes se rendent-elles compte qu’elles sont manipulées par des forces invisibles ? À travers cette métaphore, je veux éveiller une prise de conscience, rappeler que nous pouvons chercher à reprendre le contrôle de notre propre existence.
La philosophie imprègne vos poèmes, notamment À la porte du paradis, où vous convoquez de grands penseurs. Quel rôle joue-t-elle dans votre écriture ?
Zhao Lihong : La philosophie et la poésie partagent une quête commune : comprendre l’existence. Dans À la porte du paradis, j’imagine des figures comme Confucius, Platon ou Nietzsche réunies face à une porte qu’elles ne peuvent franchir. Cette allégorie explore l’idée que la vérité ultime reste hors d’atteinte. La poésie, elle, n’a pas besoin de résoudre ces mystères ; elle se contente de les éclairer d’un regard unique.
Vous évoquez souvent votre mère, notamment dans La bibliothèque de ma mère. En quoi son influence a-t-elle marqué votre parcours ?
Zhao Lihong : Ma mère était une femme discrète mais profondément aimante. Lorsqu’un jour j’ai découvert une étagère qu’elle avait fabriquée elle-même pour y ranger tous mes livres, j’ai été bouleversée. Cela symbolisait un amour inconditionnel et silencieux. Cet épisode a marqué mon écriture et continue de nourrir ma sensibilité.
Votre recueil se termine sur une tonalité méditative. Que souhaitez-vous explorer à travers vos futurs poèmes ?
Zhao Lihong : Je ne peux prédire l’évolution de ma poésie, mais je sais que je resterai fidèle à ma voix. Je continuerai d’interroger le monde, d’explorer ses mystères et ses contradictions, tout en restant connectée à mon intériorité. Si mes poèmes peuvent toucher, éveiller une réflexion ou apporter du réconfort, alors mon travail aura un sens.
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