Laurent, votre livre Tintamarre résonne fortement avec des thèmes d’enfance et de résilience. Pourriez-vous nous parler des influences littéraires qui ont façonné votre voix unique dans ce roman ?
Laurent Benarrous : Je me souviens d’avoir ressenti le besoin de devenir écrivain dès mes onze ans. Curieusement, à l’époque, je n’avais pas encore ouvert un seul livre. L’écriture était pour moi un cri poussé au monde, un moyen d’exprimer mon sentiment d’injustice, de survivre psychologiquement à la vie austère que je menais avec ma mère et ma sœur dans notre appartement de banlieue. L’unique lecture à ma disposition était le catalogue des 3 Suisses, une maigre fenêtre sur un monde autre.
C’est fascinant. Comment cette absence de lecture traditionnelle a-t-elle influencé votre écriture ?
L. B. : Ironiquement, mes premiers contacts avec la littérature traditionnelle, comme Guerre et Paix de Tolstoï ou L’Homme sans qualité de Musil, m’ont initialement découragé de lire. Pourtant, malgré mon désintérêt apparent pour les classiques, j’excelle toujours en rédaction à l’école, canalisation de mes fantasmes et rêves dans des textes que je n’avais jamais vraiment lus.
Ma véritable révélation littéraire a éclaté avec Jacques Prévert. Sa poésie simple et directe a débloqué en moi la passion de créer des émotions à travers les mots. Ce fut une révélation : je devais écrire, et écrire pour tous, sans jamais tomber dans la complexité inaccessible.
Comment cette approche se manifeste-t-elle dans Tintamarre ?
L. B. : Tintamarre est le fruit de vingt-cinq versions et d’une révélation critique lors d’une conversation nocturne avec Malka Braun, mon amoureuse de l’époque. Après avoir jugé mon manuscrit précédent de nul, elle m’a poussé à écrire mon histoire, pas seulement pour raconter ma vie, mais pour clarifier ma vision. Elle savait que ce que j’avais à dire trouverait sa force dans la vérité brute de mon expérience.
Parlez-nous du processus créatif personnel que vous avez traversé en écrivant ce récit profondément autobiographique.
L. B. : Chaque page de Tintamarre a été un combat entre garder l’authenticité brute de mes souvenirs et rendre le récit accessible. Ce livre est donc un mélange de poésie et de réalisme, de comédie et de tragédie, tout comme ma propre enfance. Grandir dans une cité HLM avec une grand-mère comme Esther, qui chantait en préparant le dîner, m’a inculqué l’importance des moments de douceur malgré la rudesse de la vie.
Comment ces figures familiales sont-elles représentées dans votre œuvre ?
L. B. : Elles sont la colonne vertébrale du récit. Mon écriture se veut un hommage à leur humanité et leur complexité, sans jamais tomber dans le jugement. C’est la force de l’enfance, de voir et de raconter sans filtre.
Enfin, comment votre carrière d’avocat pénaliste enrichit-elle votre écriture ?
L. B. : L’avocature m’a enseigné l’empathie et l’art de narrer une histoire. Chaque plaidoirie est un récit, chaque client un personnage. Ce métier nourrit mon écriture d’une profondeur psychologique et d’une acuité dans la compréhension des tragédies humaines. Tintamarre est en partie le produit de cette synergie entre le droit et la littérature, chaque ligne un plaidoyer pour l’humanité.
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