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Alexandre Arditti dans ActuaLitté

L’assassinat de Mark Zuckerberg, par Alexandre Arditti

 

Par Étienne Ruhaud

 

Créé en 2004, Facebook connecte aujourd’hui presque trois milliards d’humains à travers le monde, ce qui suscite à la fois passions et critiques. Accusé de manipuler les données, de voler du temps de vie, Mark Zuckerberg laisse rarement indifférent. Journaliste et éditeur de presse, Alexandre Arditti a, lui, imaginé le meurtre de l’entrepreneur, à travers un polar bref, sec, au titre programmatique. 

 

Tueur d’un certain âge, face à un flic lui-même d’un certain âge, Travis tente de justifier son crimepar des motivations idéologiques profondes, sous l’œil désabusé du commissaire Gerbier et de ses collègues. À mi-chemin entre le thriller et la pièce de théâtre, faisant la part belle aux dialogues, L’assassinat de Mark Zuckerberg demeure assez concis, tout en embrassant un certain nombre de grandes thématiques contemporaines.

 

Un meurtre

Paris, de nos jours. L’actualité est marquée par une série de scandales, d’affaires de corruption, et par l’assassinat de diverses personnalités : les ex-présidents François Hollande et Donald Trump, Angela Merkel, Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, etc. Alors en France, Mark Zuckerberg, donc, est exécuté par balles au début de sa conférence, dans un amphithéâtre de la Sorbonne. Immédiatement arrêté, Patrick Travis, la cinquantaine, passe rapidement aux aveux, face à Gerbier, divorcé, sans grandes illusions quant à la condition humaine. S’ensuit un long dialogue entre deux hommes d’une même génération.

Supérieurement intelligent, opposé aux réseaux sociaux, sources de divertissement et de manipulation, Travis apparaît rapidement comme une sorte de vieux con légèrement dépassé ; incapable d’accepter la modernité, la venue (inéluctable, selon Gerbier), du transhumanisme. Membre du groupe militant Table rase, Travis souhaite ainsi une sorte d’impossible retour en arrière, et se heurte aux oppositions, aux doutes de son interlocuteur. La fin du roman réserve une surprise singulière aux lecteurs.

Un roman théâtral et métaphysique

Faisant la part belle aux dialogues, Alexandre Arditti nous offre donc ici une fiction quasiment théâtrale, et qu’on imaginerait volontiers portée sur scène.

L’essentiel du livre est ainsi constitué par une conversation, à bâtons rompus, entre Gerbier et Travis, chacun portant la contradiction à l’autre, tout en vidant une bouteille de whisky. Pour un peu, nous pourrions évoquer Garde à vue, le fameux film de Claude Miller mettant en scène Michel Serrault, Lino Ventura et Guy Marchand.

Loin d’être terre-à-terre, les propos ici tenus approchent pourtant de la réflexion sociétale et philosophique. S’écharpant sur de grandes questions, Gerbier et Travis semblent partager le même désabusement. À cette différence près que Gerbier se révèle totalement fataliste, acceptant passivement l’évolution d’un monde qui lui déplaît, quand Travis, mégalomane, pense pouvoir inverser le cours des choses, lutter (entre autres) pour la démocratie.

Bref mais ambitieux

Court, concis, composé de petits chapitres, chacun portant un titre, L’assassinat de Mark Zuckerberg vaut aussi par un suspense maintenu de bout en bout, jusqu’à la surprise finale, à l’ultime retournement.

Écrit dans un style à la fois sobre et efficace, typique du genre polar, L’assassinat de Mark Zuckerberg paraît très (trop ?) ambitieux. En évoquant un groupe terroriste lambda, sorte d’« Extinction/rébellion » en plus violent, Alexandre Arditti illustre aussi les débordements auxquels peut aboutir l’idéologie anti-progrès, luddite.

Le propos s’avère donc, en soi, intéressant, car original. On pourrait toutefois faire reproche à l’auteur de ne pas approfondir suffisamment, d’avoir voulu viser trop haut, sans pour autant développer. Dès lors, il s’agit d’accepter un parti, un choix sans doute discutable d’économie narrative.

Cette histoire est une fiction, une parabole, presque une dystopie, selon les propres termes d’Alexandre Arditti, interviewé par Marc Alpozzo pour le magazine Entreprendre.

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