Tintamarre : L’avocat des policiers se confie dans un roman « phénixologique »
Par Yves-Alexandre Julien - Journaliste Culturel
Laurent Benarrous, avocat de renom, se dévoile dans Tintamarre, un récit biographique où l’origine juive et la quête d’identité sont des sujets importants . De ses souvenirs d’enfance dans un HLM de Villejuif à ses réflexions d’adulte sur des figures politiques telles que Mitterrand, Benarrous nous offre un regard lucide et émouvant sur la vie, la société et l’actualité.
I. La quête d’identité et de résilience
Dans Tintamarre, Laurent Benarrous nous entraîne dans un voyage introspectif à travers les méandres de sa propre existence. Le récit, écrit avec une simplicité désarmante et une profondeur touchante, se présente comme une quête d’identité, marquée par ses origines et son parcours atypique. Chaque chapitre est une escale pleine d’humour , une note dans une symphonie de souvenirs et d’émotions qui composent sa vie.
L’auteur explore la complexité de son héritage culturel et religieux, et comment celui-ci a façonné son identité tel un expert en phénixologie (Néologisme forgé par Salvador Dalí (1924-1989) et repris par Jean Cocteau (1889-1963), pour décrire sa poétique). Les récits comme « Je ne veux plus être juif » et « La solidarité juive » montrent les dilemmes internes et les tensions vécues par l’auteur. À travers ces pages, il ne cherche pas à édulcorer la réalité mais à la confronter avec honnêteté, soulignant la résilience nécessaire pour naviguer dans une société multiculturelle et pleine de contrastes.
II. Une enfance entre rires et larmes
Les premières années de Laurent, décrites avec une poésie du quotidien, rappellent inévitablement « L’Attrape-cœur » de J.D. Salinger. Comme Holden Caulfield, le jeune Laurent est un observateur lucide, souvent désenchanté mais toujours sensible aux beautés et aux absurdités de la vie. Les chapitres tels que « Mamie Esther est revenue » et « Le grand pardon » révèlent des moments de tendre nostalgie et de douleurs poignantes, tandis que des scènes plus légères offrent des éclats de rire salvateurs.
Les comparaisons avec Salinger ne s’arrêtent pas à la tonalité. Il y a dans les deux œuvres une irrévérence et un cynisme qui masquent une profonde quête de sens et de connexion humaine. Benarrous, tout comme Salinger, utilise la voix d’un enfant pour dévoiler les vérités souvent cachées derrière les conventions sociales.
III. Figures politiques et le regard d’un enfant
Le regard que porte Benarrous sur des figures politiques telles que Gandhi même s’il ne s’agit que d’un titre le Gandhi de Benarrous est un diseur de bonne aventure et son regard sur Mitterrand est particulièrement intéressant. Ces chapitres, « Gandhi » et « Mitterrand le sauveur », offrent une perspective unique, celle d’un enfant puis d’un jeune adulte tentant de comprendre les grandes figures de son temps. À travers ses yeux, nous redécouvrons la vision que pouvait avoir les gens de ces années là sur Mitterand sous un jour nouveau, imprégné d’une naïveté initiale qui se mue en une compréhension plus complexe et nuancée avec le temps.
Gandhi, sous les traits d’un voyant tandis que Mitterrand incarne les espoirs et les désillusions politiques d’une génération fêtant au champagne sa victoire aux élections de 1981. Le regard de l’auteur, teinté de lucidité et d’une certaine admiration critique, nous invite à reconsidérer ces figures sous un angle plus humain et personnel.
IV. L’avocat et l’écrivain : une double vie
Laurent Benarrous n’est pas seulement un écrivain talentueux, il est également un avocat de renom, défenseur du syndicat Alliance, le syndicat des policiers. Cette dualité entre ses responsabilités professionnelles et sa passion pour l’écriture donne à Tintamarre une dimension supplémentaire. Dans les salles d’audience, Benarrous est habitué à renifler et à sous-peser l’âme humaine, une compétence qu’il applique avec brio dans l’exploration de sa propre vie.
L’écriture de ce premier roman biographique peut être vue comme une confession d’un enfant du siècle, une tentative de capturer et de comprendre les tumultes d’une époque à travers le prisme de sa propre expérience. En cela, il rejoint les rangs d’autres auteurs qui, tout en occupant des fonctions importantes, ont trouvé dans l’écriture un moyen d’exprimer des vérités personnelles et sociétales profondes.
V. Écrire en dépit des responsabilités
D’autres figures notables ont suivi un chemin similaire, utilisant leur position d’influence pour enrichir leur écriture. Par exemple, Albert Camus, tout en étant journaliste et engagé politiquement, a su capter l’essence de la condition humaine dans ses romans et essais. Winston Churchill, en dépit de ses lourdes responsabilités politiques, a également trouvé le temps d’écrire et de remporter le prix Nobel de littérature. Ces auteurs montrent que l’écriture, loin d’être une échappatoire, peut être un complément essentiel à une carrière riche et chargée, offrant un espace de réflexion et de créativité qui enrichit à la fois l’auteur et le lecteur.
Pour Laurent Benarrous , Tintamarre est plus qu’un livre ; c’est une affirmation de son humanité, une preuve que derrière l’avocat médiatisé se cache un homme sensible, capable de traduire les complexités de la vie en mots. Cette publication est un « miracle », comme il le dit lui-même, une chance de partager une partie intime de sa vie avec le monde.
VI. Un récit poétique entre Jacques Prévert et Renaud
Tintamarre se distingue par son style littéraire unique, un mélange envoûtant de poésie et de réalisme brut. Cette fusion rappelle fortement les œuvres de Jacques Prévert et du chanteur Renaud, deux figures emblématiques de la culture française qui ont su capturer l’essence de la vie quotidienne avec une sensibilité inégalée.
Comme Prévert, Benarrous utilise un langage simple et direct pour évoquer des scènes de la vie de tous les jours. Les titres de ses récits, tels que « La propreté » ou « Mamie Esther est revenue », évoquent immédiatement les poèmes de Prévert, où chaque mot est choisi avec soin pour sa résonance émotionnelle. L’auteur parvient à peindre des tableaux vivants de son enfance et de son adolescence, où chaque détail, même le plus anodin, trouve sa place dans une mosaïque poétique. La description de moments intimes et familiaux pas toujours tendres avec un père impitoyable comme dans « la propreté », les interactions avec les voisins ou les réflexions solitaires sous les étoiles, rappellent cette même capacité de Prévert à transformer le banal en extraordinaire.
En parallèle, la comparaison avec Renaud se fait sentir à travers la voix narrative de Benarrous, imprégnée d’une irrévérence douce et d’un regard critique sur la société. À l’instar de Renaud, dont les chansons comme « Morgane de toi » ou « Mistral gagnant » capturent la mélancolie et la joie de la vie urbaine, Benarrous écrit avec une sincérité désarmante sur ses luttes personnelles et ses triomphes. Les scènes cocasses et les réflexions désenchantées sur le monde adulte, tout en restant profondément humaines et accessibles, rappellent la verve et la gouaille du chanteur.
Les récits de Benarrous, tels que « Le grand pardon » ou « Le renoncement », résonnent comme des ballades poétiques, où chaque mot est chargé de sens et d’émotion. Ce mélange de poésie prévertienne et de réalisme renaudien offre au lecteur une expérience immersive et profondément touchante, où le rire et les larmes se mêlent harmonieusement.
Ainsi, Tintamarre s’érige comme une œuvre littéraire singulière, qui puise dans les riches traditions poétiques et musicales françaises pour créer un récit à la fois intime et universel. En mêlant les influences de Prévert et de Renaud, Laurent Benarrous nous offre une symphonie littéraire où chaque note, chaque mot, parle à l’authenticité et la beauté de la vie elle-même.
VII. Une œuvre vibrante d’humanité
Tintamarre n’est pas seulement une autobiographie ; c’est une expérience littéraire , un miroir dans lequel beaucoup peuvent se retrouver. La diversité des récits, des titres évocateurs comme « La propreté », « Le renoncement », pour ne citer qu’eux forme un kaléidoscope de la vie humaine, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses peines. Bertrand Latour, qui a été comptable, manutentionnaire, visiteur médical, agent immobilier et... chauffeur de limousine pour un palace parisien et qui est l’auteur d’un recueil de nouvelles Comme un beau grand slow collé (Denoël, 2004) et d’un roman Les Yeux plus gros que l’Amérique (Flammarion, 2007) signe la préface de Tintamarre en y soulignant la rareté et la beauté de cette œuvre, une merveille d’humanité qui reste longtemps avec le lecteur.
Ce livre, utile à lire de 7 à 77 ans, est une invitation à voir le monde à travers les yeux d’un enfant, à redécouvrir la simplicité et la profondeur de l’existence. Laurent Benarrous , avocat, écrivain et rêveur, nous offre avec Tintamarre un fragment vibrant de sa vie, comme une composition musicale où chaque note est une exploration de l’âme humaine.
Tintamarre est une œuvre magistrale qui allie l’expertise d’un grand avocat à la sensibilité d’un écrivain. C’est un livre qui frappe avec l’expérience de chacun dans la diversité, un hymne à la résilience et à la beauté de la vie dans toute sa complexité. Laurent Benarrous nous rappelle que, malgré les responsabilités et les défis, il est toujours possible de trouver un espace pour les rêves et l’expression personnelle. En mêlant ses compétences professionnelles avec son talent littéraire, Benarrous crée une œuvre d’une richesse inestimable pour notre époque, offrant une perspective unique et profondément humaine sur les défis et les triomphes de la vie moderne. Tintamarre est plus qu’un roman : c’est une confession poétique, et un hommage vibrant à la force de l’esprit humain à la portée de quiconque comme un mantra pour aller vers l’exaucement .
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