Ce soir France 2 diffuse enfin l’excellent documentaire l’Homme de Pékin : les derniers secrets de l’humanité dont l’UNESCO avait fait une avant-première en décembre 2023. Ce documentaire (ou docu-fiction) est signé Jacques Malaterre comme réalisateur et Yves Coppens comme auteur. Vous les connaissez très bien, ensemble, ils ont réalisé l’Odyssée de l’espèce (en 2002). Avec les avancées scientifiques, les nouvelles découvertes, ensemble ils ont pris la décision de réaliser ce nouvel opus sur les origines de l’humanité. Je vais le dire sans ambage, j’ai été soufflée par ce documentaire, j’ai bien plus appris sur mon ignorance en quatre-vingt-dix minutes de films que lors de milliers de colloques de chercheurs. Sans doute, parce que ce documentaire a su extraire en moi cette part de néandertalienne que je suis.
Pourquoi un tel titre ?
J’avoue que le soir où j’ai découvert ce film, n’ayant pas lu le résumé, n’ayant pas fait de recherches ces derniers temps sur les débuts de notre humanité, je suis passée complètement à côté de ce titre. J’avais décidé de m’en remettre au hasard. Nous mettrons cela sur le coup de la fatigue des journées surchargées entre les cours, la maison d’édition, etc. C’est d’ailleurs sans doute ce qui m’a empêché à la fin de la projection de discuter avec le réalisateur Jacques Malaterre. En réalité, j'étais totalement bouleversée, renversée, cueillie, sans mot. Et c’est à cela que l’on mesure l’importance d’une œuvre.
Mais revenons au titre, le site appelé “l’homme de Pékin” se situe à quarante-deux kilomètres au sud-ouest de Pékin. Ce site grâce à une exploitation scientifique continue a permis de découvrir es restes de Sinanthropus pekinensis, qui vivait au pléistocène moyen, puis des restes d'Homo sapiens sapiens, datables de -18 000 à -11 000. Ce site offre un regard nouveau sur l’histoire de notre humanité. Trop longtemps les recherches en paléontologie se sont concentrées en Europe et en Afrique, or précisément ce site a permis de mettre en évidence que nos ancêtres étaient aussi en Asie.
Le retour aux sources
Dans un monde marqué par l'effervescence technologique et le tumulte géopolitique, les documentaires préhistoriques nous offrent un miroir sur nos origines communes, nous invitant à considérer une histoire partagée.
L'Homme de Pékin émerge comme une lanterne dans l'obscurité, illuminant les chapitres oubliés de notre passé. Ce n'est pas seulement un voyage à travers le temps, mais une quête pour comprendre ce qui nous unit en tant qu'espèce. En racontant la vie de nos ancêtres, ce documentaire tisse un lien profond entre les spectateurs contemporains et leurs lointaines racines, proposant une réflexion sur la capacité de l'humanité à vivre en harmonie. Dans sa narration, L'Homme de Pékin n'est pas simplement un personnage de notre passé lointain, mais un symbole d'une coexistence pacifique, un rappel que l'apprentissage et l'adaptation à notre environnement ont toujours été les pierres angulaires de notre survie et de notre évolution.
La préhistoire asiatique et plus particulièrement celle de la Chine est donc aussi la nôtre. Elle est aussi celle de ces femmes et hommes qui ont découvert le langage, la transmission, l’enseignement. Ils ont inventé et domestiqué le feu. Ensemble, ils ont exploré le monde. Pendant deux millions d’années, ils ont côtoyé le Giganthopithèque (qui mesurait plus de trois mètres), le Stégadon (une sorte d’éléphant de douze tonnes et de quatre mètres), et tant d’autres espèces, à nos yeux aujourd’hui effrayantes.
Un film pédagogique et artistique
Quel projet que ce film ? Déjà, il faut saluer la performance des acteurs, des troupes entières qui ont fait les déplacements malgré les variations de températures, les angoisses liées au covid. Car oui, le film a été décalé puis tourné au cœur d’une Chine dite “zéro covid”. On imagine le temps, le stress, les milliers de tests, les enfermements dans les chambres d’hôtel. Au passage, je souligne que Jacques Malaterre raconte tout sans un magnifique livre intitulé Les derniers secrets de l'humanité : Coulisses d'un tournage en Chine. Il y décrit tout, sans filtre, les difficultés, les accidents, les bouleversements, la disparition, en 2022, d’Yves Coppens et son engagement pour terminer ce film tout en suivant leurs recherches.
Le film ne cède rien, il garde les exigences scientifiques mais nous entraîne aussi grâce aux technologies dans un monde où le moindre bruit, le moindre vent peut nous indiquer un danger.
Grâce à L’homme de Pékin, on découvre avec des yeux d’enfants que les avancées en archéologie, paléontologie, génétique et paléoanthropologie ont métamorphosé notre conception de nos ancêtres humains. Autrefois perçus comme des silhouettes primitives au sein de l'histoire terrestre, ces disciplines ont révélé la complexité et la richesse de leur existence. Des outils sophistiqués façonnés avec précision aux preuves de rites funéraires, les premiers humains manifestaient déjà une intelligence et une sensibilité étonnantes. La génétique, quant à elle, a dévoilé des liens de parenté insoupçonnés entre les espèces, prouvant que l'évolution humaine est une mosaïque plutôt qu'une simple lignée. Les artefacts et les fossiles, lus par des paléoanthropologues, sont les fragments d'un récit qui parle de la découverte du feu, de l'art pariétal et de l'innovation technique, démontant l'idée d'êtres purement guidés par l'instinct.
Ces découvertes renforcent l'idée que l'humanité a toujours été définie par sa capacité à apprendre, à s'adapter et à transformer son environnement. La reconnaissance des émotions, du raisonnement abstrait, et de la créativité chez nos ancêtres change notre propre image et nous incite à reconsidérer ce que signifie être humain. Dans ce cadre, L'Homme de Pékin ne se contente pas de documenter une séquence historique ; il ouvre un dialogue avec le passé, invitant à la réflexion sur la persévérance, l'ingéniosité et la capacité à tisser des liens qui caractérisent notre espèce depuis ses premiers pas.
Comprendre notre passé pour éclairer notre futur
Le documentaire L'Homme de Pékin, fruit d'une ambitieuse collaboration internationale, a exigé une synergie entre réalisateurs, scientifiques et logisticiens pour capturer l'essence de notre parcours évolutif. Naviguant à travers les contraintes imposées par une pandémie, l'équipe a dû faire preuve d'une ingéniosité remarquable, orchestrant les prises de vue dans des paysages chinois évocateurs. Le récit s'étend sur des centaines de milliers d'années, relatant l'épopée humaine depuis l'émergence de Homo georgicus jusqu'à l'avènement de Homo sapiens, en passant par les ancêtres tels que Homo erectus. Le documentaire illustre un récit de l'humanité qui n'est pas linéaire, mais plutôt une riche mosaïque d'existences parallèles, de migrations, d'innovations et d'interactions interspécifiques, reflétant la diversité et la complexité de notre héritage évolutif.
Dans L'Homme de Pékin, le voyage dans nos racines préhistoriques offre un parallèle saisissant avec le tumulte mondial actuel. Ce documentaire suggère que comprendre notre passé collectif pourrait être la clé pour favoriser l'harmonie dans notre monde contemporain. Il met en lumière Homo erectus, connu pour son adaptation et sa coexistence paisible, encourageant une réflexion sur la coopération et l'apprentissage de l'environnement comme traits humains fondamentaux. En confrontant les défis actuels, L'Homme de Pékin incite à envisager que notre salut pourrait résider dans les stratégies pacifiques et adaptatives de nos ancêtres, transformant le chaos en coexistence.
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